Pacte de responsabilité, réduction des dépenses publiques… Les socialistes français mettent-ils en place un plan d’austérité ? À l’échelle européenne pourtant, le PS critique vivement les politiques menées par les gouvernements conservateurs. Est-ce contradictoire ? Réponse avec l’eurodéputé socialiste Henri Weber
Les socialistes dénoncent la politique « austéritaire » conduite par la droite européenne à Bruxelles, mais soutiennent le pacte de responsabilité et ses 50 milliards de réduction de dépenses publiques que le gouvernement de Manuel Valls s’apprête à mettre en œuvre en France. N’y aurait-il pas là une légère contradiction, nous demande-t-on finement sur tous les plateaux ?
À cette observation, il y a deux réponses.
1. Le gouvernement cherche l’équilibre
Depuis 2009, les socialistes préconisent une stratégie différenciée de sortie de crise : les pays excédentaires d’Europe du nord, et en premier lieu l’Allemagne, disons-nous, doivent relancer leur consommation intérieure et leurs investissements, pour servir de locomotive à l’Europe. Les pays surendettés – dont la France ! – doivent s’engager sur une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire, mais en prenant le temps nécessaire, afin de ne pas compromettre les chances d’une nouvelle croissance. Ils doivent trouver un équilibre entre l’assainissement budgétaire et le soutien à l’activité.
C’est ce que le gouvernement Ayrault s’est efforcé de faire dès son entrée en fonction. Lors de sa campagne présidentielle, au printemps 2012, François Hollande s’était engagé à ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB dès 2013, et à l’équilibre en 2017.
Pour éviter la récession, le Premier ministre français a obtenu de la Commission un délai supplémentaire de deux ans.
Mais la trajectoire de réduction progressive de notre déficit public a été clairement réaffirmée. Non pas pour obtempérer au « diktat de Bruxelles », comme l’affirment les europhobes. Mais pour recouvrer notre souveraineté face aux marchés financiers, qui ne nous prêteront pas indéfiniment à un taux de 2%, et consacrer aux investissements productifs une partie des 48 milliards d’euros que nous coûte, chaque année, le service de la dette.
2. Parler d’austérité, c’est un abus de langage
Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, pas plus que celui de Manuel Valls, n’ont mis en œuvre une politique d’austérité semblable à celles qu’ont pratiquées leurs homologues conservateurs et libéraux.
Ils n’ont pas licencié 500.000 fonctionnaires comme l’a fait David Cameron en Grande-Bretagne,
Ils n’ont pas réduit les salaires et les retraites de 5 à 20% comme l’ont fait les 1ers Ministres espagnol Mariano Rajoy, portugais Pedro Coelho, irlandais Enda Kenny.
Ils n’ont pas divisé par trois la durée de l’allocation chômage, comme l’a fait Gerhardt Schröder en Allemagne, cette durée passant de 32 à 12 mois !
Ils n’ont pas porté à 8 millions le nombre des salariés payés à moins de 8 euros brut de l’heure, contrairement à Angela Merkel.
L’opposition de droite nous l’a assez reproché, qui réclame une réduction des dépenses publiques de 130 milliards d’euros.
Amalgamer la politique de sérieux budgétaire menée par les gouvernements socialistes français, aux politiques d’austérité conduites par les gouvernements de droite est peut-être de bonne guerre médiatique, mais cela relève de l’abus de langage.
La réduction « calibrée » de la dépense publique prévue par le pacte de responsabilité s’accompagne de nombreuses mesures destinées à soutenir l’emploi et le pouvoir d’achat des catégories les plus défavorisées.
Le Gouvernement n’a pas ménagé ses efforts :
100.000 jeunes ont bénéficié d’un emploi d’avenir, 100.000 autres d’un contrat de génération dans les PME ; 45.000 demandeurs d’emplois de longue durée ont bénéficié d’un contrat aidé. 60.000 postes sont en passe d’être créés dans l’Éducation nationale. Le programme « Garantie Jeunesse » obtenu de l’Europe grâce aux socialistes français, est expérimenté dans 11 départements de notre pays. Le SMIC et les transferts sociaux restent en France, parmi les plus élevés des pays de l’OCDE.
Le Gouvernement n’a pas ménagé non plus ses efforts pour relancer l’investissement et l’activité des entreprises :
Une Banque publique d’investissement (BPI), forte de 42 milliards d’euros a été créée pour favoriser le développement des entreprises innovantes.
34 plans de reconquête industrielle ont été lancés et 14 filières d’avenir organisées.
3,7 milliards d’euros seront investis dans ces plans, sur 10 ans, et concerneront 480.000 emplois.
Un pacte de responsabilité a été voté au Parlement, au terme d’une négociation avec les partenaires sociaux.
En contrepartie d’une baisse des cotisations sociales, le gouvernement et les syndicats attendent des chefs d’entreprises un regain des investissements, la conquête de nouveaux marchés, et la création d’emplois. À quoi s’ajoute le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui assure une baisse de 6% du coût du travail pour les salariés rémunérés jusqu’à deux SMIC et demi, soit un effort de 20 milliards d’euros pour relancer l’investissement des entreprises et favoriser l’emploi marchand.
Au niveau européen, François Hollande a fait adopter, en juin 2012, un pacte de croissance, doté de 120 milliards d’euros – 240, en réalité avec les effets de levier – qui commence à produire ses effets.
Il n’y a pas contradiction, mais cohérence et complémentarité entre la politique que nous préconisons au niveau national – sérieux budgétaire et relance de l’activité –, et celle que nous voulons pour l’Europe : promotion d’une nouvelle croissance et assainissement des comptes publics des États surendettés.
Article paru dans le Nouvel Obs : [
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