par Nicolas Rouly, premier secrétaire fédéral du PS de Seine-Maritime, avocat
Faut-il prévoir dans la Constitution la déchéance de nationalité de binationaux nés Français ? Ce débat passionne, car il interpelle les consciences. Au PS, il révèle même un conflit de loyautés. Comment concilier la loyauté que le parti doit à l’exécutif et à ses militants avec celle qu’il doit à ses valeurs ? Par la clarté.
La loyauté envers l’exécutif suppose de ne pas résumer son action à ce projet. L’urgence sociale et environnementale mérite autant d’attention. Elle doit continuer à mobiliser les socialistes. Notre loyauté suppose aussi de respecter le Chef de l’Etat. Ses adversaires crient à la manœuvre ou la trahison ? Les socialistes, eux, ne contestent pas sa sincérité républicaine. Cela n’enlève rien aux arguments échangés mais cela conduit à n’offenser personne. Enfin, la loyauté suppose de prendre le débat au sérieux, sans le réduire à une opposition entre de prétendus traîtres à la Nation et de supposés ennemis de la République. C’est plus compliqué, car les points de vue dépassent les clivages habituels, mais plus simple aussi, car la mesure est d’abord symbolique, sans effet immédiat sur la menace terroriste ou le sort des binationaux pacifiques. Les caricatures sont donc proscrites, comme les oukases ou les mandats impératifs. Certains sujets se prêtent mal aux consignes de vote. François Hollande le sait, depuis le référendum de 2005. Et, parce qu’il tient le premier rôle dans le processus constitutionnel, il doit rester le plus ouvert quant à son issue. Les socialistes peuvent l’y encourager.
La loyauté envers les militants suppose de nous éclairer mutuellement sur les termes du débat : binationalité, déchéance, état d’urgence, apatride… Le PS peut offrir un accès à ces notions, en mobilisant les ressources de formation dont il dispose, parmi ses adhérents et soutiens. La loyauté suppose aussi d’ouvrir un débouché politique à ce bagage civique, en permettant à tous les socialistes de s’exprimer. Dans ces circonstances exceptionnelles, fixer la ligne du parti ne suffit pas. Il faut oser le pluralisme, en faisant de notre diversité une source de réflexions pour nos concitoyens. Enfin, la loyauté due aux socialistes suppose de veiller à leur unité. Pas par souci esthétique, mais par nécessité historique, comme l’écrit Jean-Christophe Cambadélis, dans son récent livre, au titre prémonitoire (A gauche les valeurs décident de tout) : « dans un moment où l’identité l’emporte sur l’égalité, il faut l’unité ; avec un PS déstabilisé et une gauche divisée, la République serait sans défense ». D’ici fin janvier, je soumettrai aux socialistes seinomarins une feuille de route pour 2016, incluant le débat constitutionnel et bien d’autres initiatives à prendre, pour préparer l’avenir ensemble.
Ces loyautés sont compatibles avec les valeurs de la gauche, dont chacun dira librement comment il les décline dans ce débat. Pour ma part, je ne suis pas favorable à la déchéance de nationalité de Français nés en France. Tout mon parcours forge cette conviction. J’ai grandi à Dreux, où le FN a percé. Petit-fils de métis camerounais, je connais les rejets subis par ceux dont l’identité est faite de partage. Mon premier combat est républicain, pour le vivre-ensemble, la laïcité, le lien social. Mon adhésion au PS et mes fonctions d’élu en sont les vecteurs. Quant à mon métier, je l’ai longtemps consacré au(x) droit(s) des étrangers. Enfin, j’enseigne à des étudiants de la « génération Bataclan ». Ce vécu inspire mon avis sur la mesure proposée : au lieu d’unir, elle divise ; au lieu d’affermir, elle fragilise.
Ces loyautés sont compatibles avec les valeurs de la gauche, dont chacun dira librement comment il les décline dans ce débat. Pour ma part, je ne suis pas favorable à la déchéance de nationalité de Français nés en France. Tout mon parcours forge cette conviction. J’ai grandi à Dreux, où le FN a percé. Petit-fils de métis camerounais, je connais les rejets subis par ceux dont l’identité est faite de partage. Mon premier combat est républicain, pour le vivre-ensemble, la laïcité, le lien social. Mon adhésion au PS et mes fonctions d’élu en sont les vecteurs. Quant à mon métier, je l’ai longtemps consacré au(x) droit(s) des étrangers. Enfin, j’enseigne à des étudiants de la « génération Bataclan ». Ce vécu inspire mon avis sur la mesure proposée : au lieu d’unir, elle divise ; au lieu d’affermir, elle fragilise.
Parmi des Français de naissance également condamnés au pénal, la France pourrait déchoir seulement ceux qui auraient une autre nationalité. Ainsi posée, l’équation divise, car sa variable est l’origine de l’auteur, pas l’acte commis. Le symbole est l’exclusion nationale envers certains, non la fermeté républicaine envers tous. Certes, le Code civil permet la déchéance de binationaux devenus Français. Mais c’est incomparable, car la nationalité de naissance est « un élément constitutif de la personne », d’où émerge un principe historique « interdisant de priver les Français de naissance de leur nationalité » (Conseil d’Etat). En levant cet obstacle, la révision constitutionnelle validerait donc un mécanisme que « les lois républicaines n’ont jamais retenu » (exposé des motifs). Comparer est même risqué, car si le Code civil vise diverses causes de déchéance, le texte débattu se limite aux crimes, pour réduire l’entorse au droit du sol. D’où la surenchère sur l’ajout d’autres causes voire la fin de la binationalité. Quant à créer des apatrides, le Premier Ministre a eu raison de fermer cette voie contraire aux traités et au message de la France. Mais la boîte de Pandore, elle, reste ouverte.
Au demeurant, la déchéance de nationalité des Français de naissance fragiliserait l’autorité de la France plus qu’elle ne la conforterait. Limitée aux binationaux, sa mise en œuvre dépendrait en effet des autres Etats : pas de double nationalité, pas de déchéance. Or, notre propre débat montre l’instabilité des législations en cette matière. Faut-il voter un principe dont les déterminants pratiques nous échappent ? Seraient aussi épargnés les Français binationaux que leur second pays déchoirait avant nous. Faut-il lancer cette course à l’évitement ? Enfin, l’éloignement d’un Français devenu simple étranger serait conditionné au respect de la Convention Européenne des Droits de l’Homme… et à l’accord du pays d’accueil. Même effectif, il n’entamerait hélas ni la détermination ni la capacité opérationnelle de ceux qui tuent par idéologie. Les sortir de nos radars ne garantirait donc ni la souveraineté ni la sécurité de la France. Quant à la création d’apatrides, non seulement elle exclurait tout éloignement, mais elle obligerait la France à les protéger, en leur reconnaissant ce statut et ses attributs : carte de séjour, autorisation de travail, titre de voyage… Curieux symbole de fermeté !
Dans ce débat, nul ne doit être désavoué. En étant clair sur ses loyautés et ses valeurs, le PS peut œuvrer au rapprochement de tous. Le concept d’indignité est à explorer. Un proverbe africain dit que « si l’arbre savait ce que la hache lui réserve, il ne lui fournirait pas le manche ». La déchéance de nationalité ne doit pas être le manche qui frappe la République. Elle ne doit pas non plus être l’arbre qui cache la forêt. Sachons nous dépasser pour la dépasser.
source : http://www.ps76.fr
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